Les expressions françaises inspirées par la vènerie : « Être aux abois »

« Les six chiens, la gueule levée, l’entouraient de ces cris profonds, gutturaux, sauvages qu’ils ont seulement pour les abois »

M.DRUON

L’expression être aux abois désigne le moment où l’animal poursuivi, sur ses fins, s’arrête, se retourne, fait tête aux chiens qui l’entourent et donnent de la voix. L’animal est aux abois, il tient les abois ou il est à l’hallali.

La langue de la vènerie étant considérée comme noble et valorisante, certaines expressions employées au sujet des animaux de vènerie et des chiens de meute s’appliquent à l’être humain et aux réalités abstraites, sans nuance dégradante. Ainsi l’expression être aux abois est-elle entrée dans la langue courante où elle s’utilise au sens figuré.

Être aux abois signifie en particulier « dans une situation matérielle désespérée ». Des créanciers aux abois. Le sens premier d’aboi était « cri du chien ». Il a disparu et est passé dans le dérivé aboiement. Dans l’usage métaphorique de la locution aux abois, les abois ou les aboiements c’est dire les cris du chien, n’apparaissent quasiment plus.

Corrélativement, l’usage d’abois étant réservé aux veneurs, le terme s’est chargé d’une valeur littéraire qui tient au caractère noble de la langue de la vènerie. Cet usage a permis de donner vie à des emplois figurés fondés sur un moment de la chasse à courre, même si l’évolution de la société, qui a réduit l’importance de la vènerie, a entraîné une régression de ces emplois. De plus, la langue actuelle tend à préférer des métaphores moins dures, plus filées, qu’à l’époque classique.

Au figuré, plus largement, être, paraître, se sentir aux abois signifie « avoir épuisé toutes ses ressources et ne pas savoir comment sortir d’une situation difficile », en parlant soit d’une personne, souvent dangereuse, mais pas nécessairement : un criminel aux abois ; soit d’une chose abstraite, surtout dans la langue classique : l’idolâtrie aux abois, chez Bossuet ; la prudence aux abois chez Voltaire. « Il faut, pense le peuple, que Napoléon III soit aux abois pour en venir à un tel déploiement de forces de police pour une simple rumeur ».

Mettre un homme aux abois, le réduire aux abois, c’est « le pousser dans une telle situation ».

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