Lettre ouverte à Alain Finkielkraut

Cher Alain Finkielkraut,

Cher Maître,

C’est un honneur pour les chasseurs en général et les veneurs en particulier que vous ayez consacré à la chasse votre émission Répliques du samedi 13 janvier. Chaque semaine sur France Culture, vous vous faîtes, avec le soutien d’invités de haut niveau, un observateur remarquable du monde tel qu’il va. Pétri de culture littéraire et philosophique, vous faîtes résonner, au long de vos émissions, les vérités profondes d’une analyse éloignée des idées préconçues et de la doxa dominante.

Avec l’audace qui vous caractérise, vous avez choisi d’aborder ce sujet immémorial, la chasse, où l’homme rencontre l’altérité : le monde sauvage. Le risque était de vous voir chausser les lunettes de l’intellectuel urbain bien éloigné de cette rencontre fascinante de l’homme-chasseur avec la nature. Tel ne fut pas le cas. Votre émission fut passionnante ; elle m’inspire quelques commentaires.

Vous vous interrogez, avec votre invité vétérinaire, sur la sensibilité des animaux et leurs souffrances. Il est légitime qu’un praticien s’attache à réduire la souffrance. Mais la souffrance va de pair avec la sensibilité. La souffrance est l’expression extrême d’une sensibilité en alerte ; on ne se brûle que parce qu’on perçoit la chaleur. Tout organisme vivant est animé par une sensibilité : le tournesol qui suit le parcours du soleil pour s’en nourrir, comme la vache – que vous aimez tant – qui recherche le courant d’air plus que l’ombre par temps de canicule, ou la mousse qui se cache au Nord du tronc des arbres. La sensibilité, et donc la souffrance, c’est la vie. Tout être vivant ne doit sa survie qu’à sa capacité à ressentir. Qui ressent souffrira ; et c’est d’autant plus vrai dans la nature.

Avec votre amie Elisabeth de Fontenay, vous embrassez « les animaux » dans une condition unique et généralisante ; la chasse vous invite à un distinguo déterminant. Il n’est pas possible d’évoquer la « cause animale » comme une globalité. L’être humain entretient avec le règne animal des relations extrêmement variées selon la catégorie à laquelle appartiennent ses espèces : les animaux de compagnie, les animaux de rente, les animaux sauvages. Mieux, les devoirs de l’homme ne sont pas de même nature selon que les animaux appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories.

  • Pour son plaisir, l’homme fait naître les animaux de compagnie (chiens, chats, chevaux, etc.) ; ses devoirs sont donc immenses vis-à-vis de ces êtres vivants, ses « compagnons » : soins, alimentation, confort, relation, activité.
  • Les animaux de rente sont destinés à l’alimentation de l’homme tant qu’il sera carnivore. Ils lui fournissent aussi la matière de ses vêtements. L’homme, qui les fait naître également, leur doit les soins nécessaires à leur meilleure productivité, dans le respect de conditions sanitaires strictes.
  • La reproduction des animaux sauvages, quant à eux, n’est pas contrôlée par l’homme, qui doit donc assurer leur régulation pour rendre leurs populations compatibles avec ses activités (agricoles, routières, urbaines) ; cette régulation passe par la chasse, qui est aussi le point de connexion ultime avec la partie du monde que l’homme n’a pas domestiquée. Cette chasse doit être éthique, c’est-à-dire respectueuse de l’animal chassé. Parce qu’elle est le mode de chasse le plus proche de la prédation naturelle, la vènerie est, à ce titre, la plus éthique.

Point n’est utile de stigmatiser les chasseurs par l’évocation des mauvais comportements de certains ; ceux-ci existent dans toutes les activités humaines. Le football n’est pas mauvais, même si les supporters de la tribune Nord de Boulogne ne sont pas des anges. Le transport automobile n’est pas condamnable, même si des milliers de personnes meurent encore chaque année sur les routes de France victimes de chauffards.

Avec la chasse, vous abordez la relation des hommes avec les animaux dans sa dimension la plus tragique, mais peut-être aussi la plus authentique. La curiosité et l’intérêt que vous avez manifestés tout au long de l’émission témoignent de ce que vous y êtes sensible ; soyez-en à nouveau remercié. Les chasseurs comme les veneurs forment des vœux pour avoir su piquer votre curiosité et vous donner l’envie d’aller plus loin dans votre connaissance de leur monde.

Veuillez croire, cher Alain Finkielkraut, cher Maître, en l’expression de la plus profonde considération d’un de vos fidèles auditeurs.

Ecoutez l’émission du 13 janvier 2024, consacrée à la chasse

Antoine Gallon
Société de Vènerie
La Société de Vènerie est l’association qui regroupe tous les veneurs de France

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