Philippe Dulac :
Président de la fondation Sommer

La vènerie peut-elle exister sans ses us et coutumes ?
Philippe : Toute vie en société exige et engendre un corps d’us et coutumes. La sociologie, en tant que discipline des sciences humaines ne consiste-t-elle pas pour une part notable à observer, analyser et comprendre leurs significations à différentes époques et dans tous les pays ?La vènerie ne déroge pas à cette règle. Au contraire, elle constitue un milieu riche en règles de comportements. Peut être cela n’est-il pas sans lien avec le fait qu’elle est, par chance, un mode de chasse codifié. Pourtant, de ce fondement technique, il n’est pas étonnant qu’elle ait inspiré à ceux qui la pratiquent l’habitude de se reconnaître à l’observation d’usages multiples et variés. Ceux-ci ont trait à la façon de s’habiller, à la façon de s’exprimer, à la façon de monter à cheval, à la façon d’harnacher sa monture, à la façon de se tenir en forêt, à la façon de saluer ses compagnons, de partager avec eux les collations d’après-chasse... mille façons d’être et de faire. Certains en déduiront peut être qu’il est aussi difficile d’entrer en vènerie que de pénétrer dans une société secrète. Il est vrai que s’initier aux us et coutumes de ce monde prend un peu de temps - ce qui ne fait pas nécessairement partie des attentes d’aujourd’hui. C’est un fait, la vènerie est du domaine du temps long. Mais il ne faut pas exagérer. L’impétrant aura appris l’essentiel en quelques saisons de chasse. Ensuite, il lui faudra des années pour acquérir la patine qui fait le charme des vieux veneurs.

Peut-on parler de culture à part entière ?
Philippe : Bien sûr, les us et coutumes du monde de la vènerie constituent une culture. Celle-ci, pour une grande part, se perpétue à travers les temps qui ont beaucoup changé. Qu’y-a-t’il de commun entre la société de l’Ancien Régime, la société bourgeoise d’avant 1914, la société de plus en plus ouverte où l’on vit depuis la seconde moitié du XXème siècle ? Tant de choses sont différentes. Et pourtant, de même que le chien fait preuve de capacités largement invariantes, ceux qui suivent la meute, observent son travail difficile et célèbrent sa victoire éventuelle à travers le rite de la curée, cultivent des attitudes dans l’art de chasser et des approches de l’art de vivre qui changent probablement moins que des tas d’autres choses. L’ensemble d’us et coutumes qu’ils entretiennent, de génération en génération, est une composantes parmi beaucoup d’autres, certes. Mais ce qui fait la richesse de la vaste culture d’un pays ancien comme le nôtre, c’est la diversité dans laquelle cohabitent un nombre de cultures spécifiques, toutes riches et fortes, comme celles de la vènerie. Disons que ce sont des micro-cultures dont l’assemblage forme la personnalité de notre pays.

Quel regard portez-vous sur la relation cheval/veneur ?
Philippe  : L’intérêt que les veneurs portent à leurs chevaux est le gage de leur bon traitement. Vue de très loin, la chasse à courre passe pour une épreuve de force où la violence domine. La réalité, pour ceux qui la pratiquent et la connaissent, est beaucoup plus nuancée. Le cheval de chasse, certes, est appelé à l’effort., mais c’est là son métier. Parcourir 30 à 40 kms en quelques heures ne présente aucun caractère extravagant. Le veneur, qui fait généralement équipe avec son cheval durant 10 ou 15 saisons, est à l’écoute. Quand il en est le propriétaire, il gère sa carrière avec discernement et même avec affection. Souvent, il le monte durant l’intersaison. Et quand l’âge des grandes randonnées est terminé, il n’est pas rare qu’il en fasse un vieux compagnon de promenade puis qu’il lui organise une paisible retraite jusqu’à un âge très avancé. La relation du veneur avec son cheval est certes plus rustique que celle observée aujourd’hui chez les cavaliers les plus pointus dont les montures de compétition font l’objet de soins sophistiqués. Elle n’en est pas moins parfaitement saine et enviable au regard du sort du bien d’autrui. Il faut savoir que la vènerie, chaque année, offre une destinée appréciable à plusieurs centaines de Trotteurs dont la vitesse n’est pas suffisante pour leur ouvrir la carrière des courses.

@ Laboulaye

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