12 octobre 2022 – L’art menacé de la chasse à courre

Ancestrale passion pour ses pratiquants, souvent issus du monde agricole, elle est jugée à tort comme une pratique barbare et élitiste par ses opposants. Valeurs actuelles avait « suivi la voie » à l’automne 2020.

Forêt de Compiègne, dimanche 27 septembre, 8 heures. Rendez-vous avec le maître d’équipage Alain Drach, l’homme qui déchaîne les passions depuis quelques jours. Pour la seconde fois – ce fut aussi le cas en 2017 -, il est accusé d’avoir traqué un cerf qui a fini sa course en zone urbanisée. Une publicité dont il se serait bien passé. Car depuis, il est de nouveau la cible, dans un climat de violence inouïe, des « AVA » (membres d’Abolissons la Vénerie Aujourd’hui). Déstabilisé par les menaces, l’équipage a décidé de repousser le début de la chasse à 13 heures.

En attendant, plusieurs chasses sont lancées à quelques kilomètres de Compiègne. L’une d’elles, à Villers- Cotterêts, l’un des massifs forestiers les plus beaux des Hauts-de-France, là même où une malheureuse jeune femme, Élisa Pilarski, a été retrouvée morte le 16 novembre 2019, entraînant, trop rapidement, l’accusation des chiens de chasse qui l’auraient dévorée.

Ce matin, la traque a débuté, comme toujours, par un repérage des bois. Il fait 12 °C, par un temps nuageux, quand les chiens – souvent avec un odorat surdéveloppé, ceux que l’on appelle limiers – sont lâchés pour aller renifler les traces laissées par les grands animaux pendant la nuit. Des marcheurs et des chasseurs se sont ensuite réunis pour « prendre le rapport » et décider quelle stratégie adopter.
Des chiens endurants, parcourant des dizaines de kilomètres
Le maître d’équipage a comme à l’accoutumée décidé quel animal poursuivre avant de lancer l’attaque : un seul cerf est poursuivi durant tout le temps de la chasse. On choisit une bête, et ce sera la même qui sera traquée jusqu’à la fin. Contrairement aux idées reçues, la fin n’est pas toujours synonyme de mort pour l’animal sauvage. Seulement une chasse sur trois aboutit à la curée. Soit l’animal arrive à semer ses prédateurs, soit il finit par s’arrêter de fatigue ou pour se battre avec les chiens. Il a donc toutes ses chances face aux chiens courants qui vont suivre les voies, c’est-à-dire les odeurs, les traces laissées par les animaux sauvages sur le sol et les végétaux…
La chasse à courre, c’est une histoire de chiens, extrêmement endurants, qui peuvent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres par jour de chasse. Tout comme les animaux qu’ils poursuivent. Il est dans l’instinct des chiens de poursuivre une proie, et dans celui des animaux sauvages de fuir des prédateurs. Quand ils repèrent l’animal – le cerf, ce dimanche -, les chiens se mettent à aboyer de façon beaucoup plus forte et plus aiguë. L’attaque lancée, les chasseurs ainsi que leurs chiens se mettent à poursuivre la bête. Habillés d’un veston bleu, d’un pantalon et de grandes bottes, les veneurs se tiennent à cheval et guident les chiens, notamment avec leurs trompes de chasse. Tout le long de la pratique, aucune technologie moderne n’est tolérée. Pour suivre le cours de la chasse, il suffi t d’écouter soit les chiens, soit les trompes.
Mais, alors que la chasse bat son plein dans la forêt quelque part entre Villers-Cotterêts et Pierrefonds, aux alentours de 15 heures, les « AVA” tentent de retrouver les veneurs afin de “saboter » leur activité. Une quarantaine d’animalistes se présentent aux abords de la forêt. Durant plusieurs heures, ils ont tourné, tantôt en voiture tantôt à pied, en essayant de repérer les veneurs et surtout les chiens. Leur but : casser l’art de la chasse, considéré à leurs yeux comme une pratique barbare. Ils n’y parviendront pas, cette fois.
Des animalistes violents
« Ils ont en tête qu’un cerf, c’est le papa de Bambi. Non ! Un cerf, ce n’est pas le papa de Bambi, c’est un taureau. Il n’y a qu’à voir comment il défonce le grillage quand il se relève, et la puissance qu’il a. Il ne faut pas oublier que les premières ramifications, les premiers andouillers, ont pour dénomination “ le sandouillers de massacre”. Et c’est avec ça qu’ils tapent. Ils pèsent 130-140 kilos, ils ont une puissance de taureau. Ma crainte ? Qu’à des abois, un “AVA” veuille se mettre entre moi et le cerf. Et un cerf, lorsqu’il est aux abois debout, ce qui est le plus souvent le cas, se révèle dangereux. Ils ont un territoire. Et un cerf ne fera pas la différence entre un chien, un chasseur et un “AVA »», déclare Alain Drach. Et de rappeler que les grands défenseurs de la cause animale n’hésitent pas, eux, à recourir à la violence, à commencer par Stanislas Broniszewski, leader d’Abolissons la vénerie aujourd’hui. À Compiègne, il a été aperçu en train de frapper les chiens à coups de pied et de les asperger dans leur chenil à l’aide d’un répulsif puissant, très désagréable pour eux. Des animalistes qui recourent à la violence pour défendre la cause animale ? Étrange stratégie…

En réponse à ces violences en cascade, ce même 27 septembre, le président de la vénerie, Pierre de Roüalle, a commencé une tournée nationale en quinze étapes pour défendre sa passion. « Face aux animalistes, qui sont des gens déterminés, organisés et qui ont de l’argent, il faut se réveiller ; à nous de mobiliser les campagnes », dit-il. Il appelle le monde de la ruralité, de l’agriculture, de l’élevage et de la forêt à faire bloc. Il sait qu’à courre, il faut chasser en meute, sinon on échoue.

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