Chaque fanfare évoque un animal ou une circonstance de la chasse
Saint-Hubert oblige, les sonneurs ont sorti leurs trompes de chasse ce lundi 3 novembre pour célébrer le patron des chasseurs et protecteur de la nature. Le Geerois Gregory Lemestré fait partie du groupe « Le Bien Aller Ardenne », de Liège. Il nous partage sa passion pour l’instrument mais aussi toute la tradition qui y est liée.
Interview : Frédéric Renson
Gregory Lemestré, faut-il parler de cor ou de trompe de chasse?
Alors, à l’origine, le cor est l’instrument de la Poste. Le facteur à cheval sonnait du cor pour prévenir qu’il arrivait plusieurs kilomètres à l’avance. On lui préparait sa monture avec d’autres sacoches. Tandis que la trompe est tendue différemment pour envoyer le son derrière. Elle a une autre utilité. Elle vient de la chasse à courre qu’on appelle aussi la vénerie et qui consiste à poursuivre un animal à pied ou à cheval à l’aide d’une meute de chiens. C’est le marquis de Dampierre qui en a fait cet usage sous Louis XIV. Pour l’anecdote, l’UNESCO a reconnu l’art du sonneur de trompe de chasse il y a trois ou quatre ans.
Qu’est-ce qui différencie une trompe d’une autre? L’accord?
Non, elles sont toutes en laiton ou en bronze et sont accordées en ré. Mais, il y en a de différentes épaisseurs. Celle de 5 dixièmes de millimètre pèse entre 1100 et 1200 grammes. Et il existe également la même trompe en 3 dixièmes de millimètre pour 800 grammes. Ce qui a une influence sur la facilité d’en jouer puisqu’il faut entre guillemets pousser moins.
Cela reste une discipline physique.
Excessivement. Mais finalement, ce n’est que de la technique car un enfant peut arriver à en sortir du son. On va dire que c’est beaucoup de compression abdominale. Le joueur de cornemuse gonfle une poche sous son bras. Nous, ce sont nos poumons.
Contrairement à la France où la chasse à courre est toujours autorisée, la Belgique l’interdit depuis 1980. Avec un impact sur le nombre de sonneurs de trompe?
On est quand même entre 600 et 800 sonneurs répartis dans des groupes qu’on appelle aussi rallyes. On existe pour pérenniser l’instrument. Il faut faire attention à bien les différencier des équipages de vénerie avec leurs chiens et chevaux. Là, il n’en reste que trois en Belgique. On n’a plus cette culture de la chasse à courre. Ceux qui entretiennent les meutes, c’est plus par passion qu’autre chose.
Combien de sonneurs y a-t-il dans un groupe de trompes?
Dans mon groupe « La Bien Aller Ardenne » de Liège, nous sommes 12 au complet. Mais, il en existe où ils sont une vingtaine.
Là où la chasse à courre est toujours autorisée, quel rôle donne-t-on aux sonneurs de trompe?
Disséminés dans la forêt, seuls les veneurs à cheval utilisent la trompe comme moyen de communication entre eux pour savoir où sont passés les chiens ou s’ils ont vu un animal.
Et quels types de morceaux jouent les sonneurs?
On appelle cela des fanfares. Ce sont des morceaux très brefs puisqu’ils servent à communiquer. Cela n’excède pas une minute et demie. Il y a 74 fanfares usuelles de la trompe de chasse qu’on appelle « animaux et circonstances ». Puis, il y a une multitude de fanfares personnelles ou fantaisistes. Pour ce qui est des animaux, il y en a par exemple une pour le cerf. Et même plusieurs en fonction de son âge, comme la quatrième tête qu’on appelle aussi « la fanfare du roi ». Il existe aussi « la tête bizarre » quand le cerf est mal formé.
Et pour ce que vous appelez des circonstances?
On célèbre notamment le point du jour qui annonce une nouvelle journée. On a aussi la marche de vénerie pour encourager les chasseurs à démarrer. Et puis alors, il y a des moments clés de la chasse comme le changement de forêt si l’animal passe d’un coin à l’autre. Il y a aussi le volcelest pour signaler le repérage d’une empreinte d’animal. Donc voilà, c’est vraiment très codifié.
Y a-t-il un chef comme dans une chorale?
Oui. C’est le chef musical qui décide de l’interprétation des fanfares. La plupart qu’on sonne régulièrement datent de Louis XIV. Et ce qu’on ne connaît pas, c’est la vitesse à laquelle ils sonnaient à l’époque. Les Français ont tendance à interpréter la musique plus rapidement que nous. On connaît les fanfares, donc on connaît la partition parfaitement puisqu’on n’a pas changé une note. Maintenant, on peut décider de la sonner plus vite, de faire un passage plus rapide ou un autre en solo.
On vous appelle uniquement pour de l’événementiel comme les bénédictions d’animaux, ou il arrive que des chasseurs à tir sollicitent votre présence?
Aussi, mais la trompe n’a pas lieu d’y être comme dans une chasse à courre. C’est uniquement pour la symbolique. Elle est utilisée à la fin de la chasse pour rendre les honneurs au gibier tué. On sonne alors ce qu’on appelle le tableau avec quelques fanfares. Et puis, à l’hiver, il y a les honneurs qui sont sonnés aux chasseurs, aux traqueurs et à leurs chiens. C’est un petit cérémonial. Personnellement, j’en sonne 7 à 8 par an. Il m’arrive d’en refuser quand il s’agit, comme on le dit dans notre jargon, de « viandards » qui font du nombre en rase campagne plus que dans une optique de gestion. Mais d’autres sonneurs sont partis tous les jours de septembre à décembre. On sonne tout de même plus des bénédictions de Saint-Hubert, des obsèques, des mariages. De toute façon, une manifestation liée à la nature. Lundi dernier, comme chaque 3 novembre, on a offert un concert à la Ville de Liège pour la Saint-Hubert.
Dans une chorale, il y a des voix hautes et des voix basses.
C’est exactement la même chose. On a les chants dont je fais partie et qui sonnent exactement la partition. On y adapte des secondes fidèles ou dissonantes qui font vraiment des accords pour adoucir l’effet clinquant du chant. Et puis alors, on a vraiment les basses qui sonnent quelque chose qui n’a rien à voir. Les fanfares sont écrites pour les chants. Et on a un autre répertoire avec les radoucis. C’est sonner plus doux comme pour l’Ave Maria et d’autres titres plus évocateurs avec « le calme dans le soir », « les souvenirs d’automne ».
À chaque groupe sa tenue vestimentaire?
Oui. À Liège, on est sur le bleu, bleu foncé qui rappelle un petit peu la Meuse. On a les parements en bordeaux pour le feu et la cité ardente. Et autour, on a des bandes brillantes grises avec le milieu jaune. Sans oublier le pantalon blanc, les bottes d’équitation et la bombe qui est le couvre-chef de la dernière évolution de la trompe.
C’est-à-dire?
Elle a toujours eu la même longueur de 4,54 mètres. Mais à l’époque des énormes chapeaux à plumes qu’on voit sur des gravures, la trompe était encombrante et se tenait à deux mains. Quand la dauphine est née à l’époque des tricornes, on l’a réduite à deux tours et demi pour pouvoir la passer. Et quand la bombe anglaise a supplanté le tricorne, on l’a enroulée en trois tours et demi.
Vous devez fréquemment travailler seul les fanfares. Quels sont vos endroits préférés?
Les chemins de campagne un petit peu à l’écart. Le mieux, c’est dans les bois. Et cela en étonnera beaucoup, mais cela ne fait pas fuir les animaux parce qu’on n’a pas un son criard. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de voir arriver des chevreuils à quelques dizaines de mètres pour voir ce que je faisais. Et ils ne sont pas partis tant que j’ai continué. Puis, ils se sont éclipsés. C’est mystérieux quand même!
À quand remonte votre passion?
Les autres actualités de la Vènerie
Abonnez-vous à la Lettre des Amis pour rester informé de l’actualité de la chasse à courre par mail chaque mois
Les autres communiqués
Les autres revues de presse
27 octobre 2025
Chamberceau. Julie Secula est championne de France de trompe de chasse
Le Bien Public – Sam 25 octobre Le Festival international de trompes de chasse s’est déroulé à Sully-sur-Loire,…
20 octobre 2025
Arfons. Un dimanche à la chasse…à courre
Le Journal d’Ici – ven 17 octobre A la une. Le Rallye de Ramondens donne une chasse ouverte au public, ce…
19 octobre 2025
Devrouze. Une Bressane championne des sonneuses de trompe de chasse
Le Journal de Saône et Loire - dim 19 octobre 2025 Le Festival International de trompes de chasse 2025 s’est déroulé à…
28 septembre 2025
Lannéanou « La vénerie est une forme de retour à la nature »
Le Télégramme - dim 28 septembre Gwendal HameuryPrésident de la société de chasse de Lannéanou, Julien Guéguen est…
27 septembre 2025
« La mise à mort n’est pas la motivation première »
Ouest France - sam 27 septembre 2025 Pourquoi chasse-t-on ? Nous chérissons les animaux de compagnie et camouflons la…





