Lundi 1er septembre, 17 h 07. L’allée et les abords du château de Vaux,1 à Fouchères, sont déserts. L’effervescence liée aux festival Chasse & Campagne1* est déjà loin. Sur la droite de la cour principale une chorale d’aboiements de chiens résonne dans le chenil et donne l’alerte.
Rencontre avec cette meute et leur maître, Édouard Guyot.1 Il est le propriétaire de ce château vieux de 300 ans et vient de monter ce nouvel équipage aubois de vénerie à courre « dans la voie du chevreuil » (lire ci-contre). Le dernier équipage de ce type dans le département datait d’avant-guerre.


« C’est un rêve de gosse »
« Je savais dès le départ en reprenant ce château, que je créerais un équipage de chasse à courre. C’est un rêve de gosse », raconte le jeune maître d’équipage. Il a réhabilité le chenil qui datait du siècle dernier. Des couchettes, une vaste cour bétonnée et un demi-hectare d’espace herbé pour s’ébattre quand bon leur semble à côté du pré des chevaux. « Ils gambadent toutes la journée ».
Si c’est plutôt la vie de château pour ces grands chiens, à quelques jours de l’ouverture de la saison de chasse, ils suivent un entraînement « comme pour les sportifs de haut niveau ».
Poitou, Orléans, Viking, Pistache, Norvégien, Ukraine, Tango, Pétrus, Tempête et Titane « deux sœurs… Je connais les prénoms de tous mes chiens (il les caresse en les nommant NDLR) ». Les nourrir, laver le chenil, et « ramasser les grenades. Je les vois dix fois par jour. Loupiac est le plus vieux (il a 10 ans NDLR). C’est le plus expérimenté et appliqué, il va apprendre aux autres. J’ai actuellement quarante-cinq chiens au chenil. Des réformés que j’ai récupérés ou que l’on m’a offerts, plus une dizaine de chiots qui sont nés ici ». Ils intégreront la meute à l’âge de 1 an et commenceront à chasser six mois plus tard.


Quelles races ? « Ce sont principalement des poitevins blancs et orange, précise le propriétaire. Plus quelques français tricolores et des black and tan ». En plus des gènes héréditaires, « ces chiens ont été éduqués à chasser exclusivement le chevreuil. Loupiac est aussi notre “chien de change”, il sait maintenir un chevreuil chaud au flair. Contrairement au cerf, le chevreuil sait “annuler” son odeur et “retenir son sentiment” ».
Entraînement des chiens comme pour les sportifs
« C’est une chasse d’observation. Il n’y a pas d’arme. Au final c’est le chien qui chasse et parfois prend le chevreuil », insiste le spécialiste. Les chasseurs sont équipés uniquement d’un fouet et d’une trompe. Édouard Guyot est le maître d’équipage, c’est lui qui “mène” la meute. Il est épaulé par Christophe Thévenin « alias Vol-au-Vent, le valet de chiens » qui assure la sécurité et l’intendance. « Le chien est mis à sa juste place dans ce type de chasse. Ils s’échangent leurs indications et nous les suivons à la voix en essayant de ne pas les perturber. C’est une musique sublime, un moment hors du temps de voir chasser les chiens en forêt ! ».


Les vocalises des chiens s’amplifient dans le chenil. Ils observent Édouard Guyot s’équiper pour monter à cheval. S’il n’a pas enfilé la redingote traditionnelle, il tient son fouet et porte autour du cou sa trompe de chasse pour “mener” la meute. Les chiens savent qu’ils vont sortir.


18 h 15, la meute quitte le chenil et s’ébranle bruyamment. Une petite photo de famille sur le perron du château et c’est parti pour trois quarts d’heure de balade au cœur du domaine du château. Une sortie accompagnée par deux cavaliers, une vététiste de l’équipage et une voiture-balai.
* L’édition 2025 était organisée les 16 et 17 août derniers.
- Le retour d’un équipage de chasse au château de Vaux pour le Festival Chasse & Campagne1
- Toucher au raffinement du XVIIIe siècle au château de Vaux à Fouchères1
Une chasse de chiens qui se pratique sans armes

L’équipage Tiens Bon Champagne, « porte les couleurs vert forêt avec parement blanc et gallons de vénerie », précise le maître d’équipage et fondateur, Édouard Guyot. Quinze membres cotisant* portent le “bouton” officiel. Plus une trentaine de sympathisants à cheval, à vélos ou à pieds et des bénévoles qui viennent encadrer la chasse. « C’est l’association à but non lucratif Vénerie de Champagne qui reçoit les cotisations. Stanislas de Laporte en est le président ».
Si cette chasse ancestrale souffre parfois d’une mauvaise image, ce passionné de chiens évoque « un sport qui n’est plus réservé à la haute société comme autrefois.J’ai découvert ce mode de chasse à l’âge de 12 ans. Je me souviens qu’il neigeait. Les tenus rouges des cavaliers et leurs cuivres brillants m’avaient impressionné. Ce jour-là, après une chasse magnifique, le cerf a été gracié. Un souvenir qui restera à jamais ».
Il souligne la tradition, l’éthique, le respect, et le cadre de ce mode de chasse « résolument moderne. Il faut une validation de la Société de vénerie avec acceptation de leur charte pour pouvoir monter un équipage ». En France il y aurait près de 400 équipages dont les trois quarts sont dédiés à la petite vénerie (lièvres, lapins, blaireaux, renards…). « Grâce à l’Office national de forêt, aux propriétaires, agriculteurs, et chasses partenaires, nous pouvons chasser en forêt domaniale de Fiel, avec un droit de suite du chevreuil sur un massif de près de 1200 hectares », précise Edouard Guyot.
*Pour être membre et en tenue de l’équipage comptez entre 1500 et 2000€ pour une cinquantaine de chasses par an. Il est également possible de les suivre gratuitement à vélo ou en voiture.