Je sonne depuis que j’ai 12 ans. Mes parents ont été invités à suivre une chasse à courre au renard qui se déroulait dans un village voisin. Et en fin de chasse, plusieurs sonneurs ont sonné la curée, la Saint-Hubert ainsi que d’autres fanfares au milieu de la forêt. Toute ma famille a adoré. On en a eu la chair de poule tellement ce moment était magnifique. En rentrant, ma mère a contacté la FITF (Fédération internationale des trompes de France) qui gère cette discipline. Nous avons su comment commencer à sonner de cet instrument et à quel endroit. J’ai commencé avec l’association Rallye aux Bois à Saint-étienne-du-Bois dans l’Ain pendant 8 ans. Ensuite ayant déménagé dans le département de la Drome pour mon travail, j’ai sonné au Rallye Val de L’Orb près de Béziers, pour ensuite revenir dans la région pour faire partie du Rallye trompes de l’Ouche en Côte-d’Or. Après une “pause”, un mariage et trois enfants, j’ai repris la trompe depuis deux ans avec le Rallye trompes de Chaux (près de Dole). Nous effectuons des sorties à la demande de restaurateurs, d’associations, de particuliers pour des événements familiaux et bien sûr nous préparons les messes de saint Hubert, les concerts et les concours. En fait, j’ai repris car une de mes filles souhaitait apprendre à sonner.
Quand j’ai commencé à sonner, la motivation et la progression amènent à faire des concours. Il faut s’entraîner régulièrement pour évoluer et atteindre un certain niveau. Il existe cinq niveaux, de la 5e à la 1re catégorie. Tous les ans, il y a des concours régionaux de trompe de chasse et un concours international qui permettent de franchir ces niveaux en se confrontant à d’autres sonneurs. J’ai participé plusieurs fois au championnat de France des dames il y a de nombreuses années. J’ai été une fois 2e, plusieurs fois 3e, mais jamais première, à part cette année, où j’ai été Championne de France et international des dames durant le Festival international de trompe de chasse organisé à Sully-sur-Loire. Nous étions 28 concurrentes. Quatre morceaux étaient à exécuter dont un imposé : la Petite Marquise. Pour les fanfares libres, j’ai choisi de sonner le sanglier et le bat-l’eau*. C’est l’interprétation magistrale de cette dernière fanfare qui m’a permis de remporter le titre.
Que représente pour vous ce titre ?
C’est une grande satisfaction d’avoir repris un certain niveau après des années de pause. À l’occasion de la remise des prix, j’ai eu une pensée émue pour mon grand-père. Ce titre est aussi gratifiant pour le Rallye Trompe de Chaux qui m’a accueillie avec gentillesse et bienveillance. Être intégrée dans un Groupe est important d’une part sur le plan humain et d’autre part pour avoir une oreille extérieure afin de corriger ses erreurs. Ce titre représente pour moi la persévérance. C’est une histoire de famille. J’ai trois filles qui ont respectivement 9, 11 et 13 ans. Ma fille de 13 ans, Élise, commence à sonner. Elle fait également des concours. Les deux autres, Laure et Constance commencent à sonner quelques notes. Elles sont fières de voir leur maman performer dans une discipline où elle s’entraîne beaucoup. Sonner chez soi est aussi important pour optimiser les répétitions. Mon mari sonne également.
Quelle trompe utilisez-vous ?
J’utilise une trompe Cornelius qui m’a été offerte par mon grand-père à l’âge de 15 ans. Il a trouvé qu’elle possédait une belle sonorité. Par la suite, je l’ai fait adapter à ma manière de sonner par le facteur de trompe qui l’avait fabriquée. Après des modifications sur le premier tube, la trompe me correspondait parfaitement et avec toujours la même sonorité que mon grand-père aimait tant. C’est toujours avec elle que je sonne actuellement.
Dans quelles circonstances sonnez-vous ?
Je chasse le gros gibier en forêt de Chamberceau en Côte-d’Or. À la fin de la chasse, nous sonnons au tableau pour retracer la journée et rendre les honneurs au gibier prélevé. Toute ma famille fait partie de l’équipage du Vieux Chêne, équipage de chasse à courre au chevreuil dont le territoire se situe en Côte-d’Or. Là, nous sonnons les fanfares qui correspondent au déroulé de la chasse. Quelques fois, j’ai la chance de pouvoir suivre à cheval.
Peut-on jouer de la trompe sans chasser à courre ?
Bien des sonneurs ne sont pas chasseurs, mais ont la passion de cet instrument qui ne nécessite pas obligatoirement d’apprendre le solfège, mais nécessite d’avoir une bonne oreille.
*Le bat-l’eau est sonné lorsque l’animal, pour échapper à ses prédateurs, se jette dans une rivière ou un étang pour effacer sa trace olfactive.