Que le meilleur gagne !

15 septembre : ouverture de la chasse. Pour le veneur, cette date si importante ne change cependant guère les relations qu’il entretient avec ses animaux : il mène de nouveau à la chasse les chiens qu’il a nourris et entraînés pendant l’été ; il monte – lorsqu’il chasse à cheval – les chevaux qu’il a soignés et promenés durant la belle saison pour les garder en forme.

Envers son animal de chasse, en revanche, son regard change, et quel étrange changement ! Du 31 mars au 15 septembre, les animaux de vènerie font toujours l’objet de notre observation et de notre admiration : nous ralentissons la voiture pour observer une chevrette et ses faons dans un pré, nous comptons les lièvres, nous marchons en silence pour entendre les cerfs au brame. N’est-il pas paradoxal que, la saison venue, nous mettions nos forces à poursuivre ces mêmes animaux dans l’espoir de les prendre et de les tuer ?

Le paradoxe n’est sans doute qu’apparent. On pourrait dire, d’abord, que si nous prenons tant de soin et de plaisir à observer et à connaître ces animaux, c’est parce qu’ils seront nos proies quelques mois plus tard. Mais il n’est peut-être pas moins juste de dire que les deux approches – observer et chasser – ne sont pas si éloignées. Ce que nous voulons, ce n’est pas tuer ces animaux que nous admirions hier. C’est nous mesurer à eux, ou plutôt mesurer nos chiens à eux. Mener, contre eux, un combat loyal, dans les règles. Chacun ses armes : la vitesse et les ruses pour l’animal chassé, l’endurance et le raisonnement pour les chiens et l’Homme. Et que le meilleur gagne. Il n’y a pas moins de passion et de respect de l’animal dans un laisser-courre que dans des heures d’observation à la jumelle.

A une époque où certains reprochent aux mangeurs de viande de s’acheter une bonne conscience en forme de steak sous vide dont on peut oublier qu’il a été un bœuf, nous autres, veneurs et chasseurs, pouvons revendiquer notre différence : oui, nous savons ce que signifie donner la mort à un animal, et nous savons aussi que cela n’est pas anodin. C’est pourquoi il y a dans la vènerie tant de rituels, tant de « décorum » : on ne tue pas n’importe comment. Nos règles, nos fanfares, nos tenues expriment aussi ce respect que l’on doit à l’animal chassé. Par elles, nous affirmons que la mort n’est pas anecdotique. Aujourd’hui, qui, à part nous, sait encore cela ?

Photo : © Médéric de la Blanchardière

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