Le veneur épuisé ?

Tel Sisyphe hissant son rocher vers le sommet d’une colline jamais atteint, le veneur du XXIème siècle doit inlassablement expliquer et réexpliquer à ses contemporains ce qu’est la chasse à courre. Wikipedia, « l’encyclopédie libre » en ligne auquel se réfère désormais quiconque cherche une première information, ne l’y aide pas, puisqu’il définit la chasse à courre comme « un mode de chasse ancestral qui consiste à poursuivre un animal sauvage… jusqu’à son épuisement ». Outre que dans la France des 35 heures et du burn-out, l’épuisement a mauvaise presse, on est en droit de trouver la définition légèrement orientée, et, de toute façon, incomplète.

Dit-on de Rafael Nadal, vainqueur de Roland Garros en octobre dernier, qu’il a « épuisé » Djokovic en trois sets ? Ou de Tadej Pogačar, vainqueur du Tour de France 2020 qu’il a épuisé ses concurrents ? il leur a fallu d’autres qualités pour s’assurer la victoire ; celles qui font d’eux de grands sportifs. L’épuisement a deux caractéristiques : il est largement partagé par l’ensemble des protagonistes d’une activité, quelle qu’elle soit, et il est insuffisant à la définir.

Alors oui, dans toute activité physique, on se fatigue et il suffit d’avoir participé à une seule chasse à courre dans sa vie pour savoir que cette fatigue est largement partagée par les hommes, les chiens, et les chevaux quand on les utilise. Cette fatigue, en revanche, n’est pas toujours le fait de l’animal chassé, et la plupart des animaux qu’on a « laissé coucher en forêt » y sont restés d’avoir su fatiguer les chiens avant de l’être eux-mêmes.

Si la vènerie est bien la confrontation de deux aptitudes physiques, celle de la meute et celle de l’animal chassé, le défi qui se joue est celui de la ruse de l’animal et de la capacité des chiens, servis par les hommes, à la déjouer. Et c’est bien cet aspect-là de la vènerie qu’il nous appartient d’expliquer. Pourquoi les animaux rusent, comment ils ont appris, quelles sont ces ruses, quelle part est faite à l’inné et à l’acquis. Comment les chiens les déjouent, comment les hommes tentent de les y aider. L’émerveillement du veneur face au travail des chiens guidés par un flair incomparable, sa curiosité insatiable à observer l’intelligence de l’animal chassé, son comportement et l’instinct de conservation qui préside à tous ses actes, la connaissance de la faune sauvage à la fois profonde et jamais satisfaite qu’il en acquiert.

En définissant ainsi la vènerie, on explique ce qui nous y attache si intensément. On fait aussi, peut-être, toucher du doigt à des gens moins familiers du monde sauvage, l’intérêt de sa fréquentation, telle que la conçoit le veneur.

Alors bien sûr, au bout, il y a la mort – une fois sur quatre – lorsque les chiens déjouent les ruses de leur animal de meute. Au titre de la gestion des espèces, cette mort est programmée, à courre ou à tir. Et la beauté du combat, sa loyauté vis-à-vis de l’animal, la rencontre sans égal de la faune sauvage qu’il offre, et la communion de ceux qui y participent font de notre mode de chasse une expérience exceptionnelle. Soyons heureux d’être veneurs, et surtout, épuisons-nous à une chose : le faire comprendre !

NB : pour ceux de nos lecteurs qui en auraient l’idée, modifier la définition dans Wikipedia n’est pas chose aisée. Faîtes-nous partager votre expertise.

Contactez-nous

Commencez à taper et appuyez sur Entrée pour lancer la rechercher

Abonnez-vous