La chasse, contraire aux droits de l’Homme ?

Un avocat au barreau de Paris, dont nous n’accorderons aucune publicité à l’identité, a cru utile de troquer la robe d’avocat contre celle de procureur dans un récent réquisitoire contre la chasse. On pouvait espérer d’un homme de droit une rigueur dans l’analyse et une acuité dans les arguments qui fassent la force de son propos ; on va voir qu’il n’en fut rien.

Son article s’intitule « La chasse est-elle contraire aux droits de l’Homme ? »

On pourrait s’étonner de la naïveté de cette interrogation. À la veille de la Révolution, la chasse était devenue un droit honorifique accordé par le roi aux détenteurs d’une haute justice. La Révolution accorde à chacun le droit de chasse, à condition qu’il soit propriétaire des terres sur lesquelles il souhaite chasser ou qu’il ait obtenu le consentement du propriétaire. Le droit de chasse devient un attribut du droit de propriété et un acquis très fort de la Révolution. La chasse illustre ainsi parfaitement la philosophie des droits de l’Homme.

Arguant de son goût pour la démocratie directe, l’arme absolue des populismes de tous les temps, notre procureur d’occasion prétend que « les sondages » montrent les Français opposés à la pratique de la chasse, et, qu’à ce titre, elle devrait être interdite. Joli sophisme qui ignore la vraie nature des enjeux !

Il faut avouer que, dès le début de son propos, notre homme se trompe : non, la chasse n’est pas seulement un sport, un loisir (voire une passion) ; c’est aussi une nécessité pour assurer l’équilibre agro-sylvo-cynégétique. Sans la chasse, les dégâts de sangliers, chevreuils et cerfs croitraient dans des proportions intolérables tant pour les exploitations agricoles que pour la tranquillité de la vie urbaine. Pour ce qui est du gibier d’élevage, le polémiste semble oublier qu’il est finalement destiné à la consommation humaine ; qu’il préfère acheter sa cuisse de poulet sous cellophane ou sa tranche de poisson dans le rayon « surgelés » est son libre choix ; les chasseurs apprécient une autre façon de s’approprier une partie de leur nourriture. Rien de nouveau à cela ; ça fait des dizaines de milliers d’années que l’Homme pratique ainsi.

Le propos s’égare ensuite sur le droit de propriété que nul chasseur n’a jamais contesté. Chacun est maître chez soi, libre d’y accorder le droit de chasse, ou pas.  Entretenir de vaines polémiques sur ce point relève de la plus entière mauvaise foi partisane, et d’une forme d’agitprop* bien dans l’air du temps pour servir aujourd’hui des intérêts politiques et/ou commerciaux. Interrogeons-nous cependant sur la pertinence pour les chasseurs de payer des indemnités pour les dégâts du gibier à qui ne souhaite le voir chasser sur ses terres !

Idem sur les accidents de chasse, qui sont présentés comme « en augmentation », alors que leur nombre diminue tendanciellement depuis plusieurs années. La chasse hélas, comme toute activité humaine, génère son lot d’accidents ; la sécurité est la préoccupation première des chasseurs, et au palmarès des « morts par activité », la chasse est bien loin d’occuper la première place.

Notre idéologue affirme ensuite avec force que les animaux sont doués de sensibilité. Grande découverte de qui n’a, probablement, jamais côtoyé d’animaux ! Quiconque possède un chien, un chat, un cheval ou un perroquet le sait bien : les animaux sont doués de sensibilité ; c’est particulièrement remarquable pour tous chez les animaux domestiques et vérifié tout autant par les chasseurs pour les animaux sauvages. Pour autant, cette sensibilité reconnue ne sanctuarise pas l’animal. Depuis toujours l’Homme organise sa cohabitation avec les animaux, et s’il fait naître les animaux domestiques et les animaux de labeur, il ne peut réguler les populations d’animaux sauvages que par les prélèvements. C’est ce que font les chasseurs pour le gibier ; c’est ce que fait chacun de nous pour les insectes (moustiques, araignées, taupes, ragondins, etc.) et autres espèces qui nuisent à notre qualité de vie. La régulation opérée par les chasseurs ne signifie pas une diminution du nombre des animaux, tout au contraire ! Depuis l’instauration des plans de chasse, il y a 40 ans, les populations de cerfs ont été multipliées par 7, celles de chevreuils par 9 et celles de sangliers par 12.

L’auteur donne ensuite libre cours à ses fantasmes relatifs à la chasse à courre. Gageons plutôt qu’en homme cultivé il fait œuvre de la plus mauvaise foi, travestissant la vérité au bénéfice relatif de son plaidoyer. Faut-il le redire ?

  • Non, nos chiens de meute ne sont pas affamés pour mieux chasser, pas plus qu’un sportif n’est affamé avant de prendre le départ d’une compétition ; ce serait d’évidence contre-productif.
  • Non, nos chiens de meute ne sont pas dressés pour tuer ; nés prédateurs (comme l’Homme, ne l’oublions pas), ils mettent seulement en œuvre leur instinct dans une confrontation loyale avec une proie. Cette confrontation nécessite endurance physique et qualités d’odorat pour retrouver le « sentiment » – l’odeur – que l’animal chassé laisse sur le sol ; les chiens ne triomphent d’ailleurs de leur proie qu’une fois sur quatre.
  • Non, la chasse à courre ne génère pas des collisions innombrables entre les véhicules et la faune sauvage ; nos opposants comptabilisent chaque saison une petite demi-douzaine de ces collisions durant les 15 000 journées de chasses à courre, à rapporter aux 95 000 collisions déclarées annuellement aux compagnies d’assurance.
  • Non la chasse à courre n’est pas cruelle puisqu’elle place les animaux sauvages dans les conditions de leur vie naturelle depuis des millénaires, ces conditions qui ont développé leurs aptitudes physiques et sensorielles à fuir leurs prédateurs, autrefois l’ours, le lynx et le loup, aujourd’hui l’Homme et le chien de meute.
  • Et enfin non, la chasse à courre n’appartient pas au passé ; elle n’a même jamais été aussi dynamique, réunissant 10 000 veneurs dans 390 équipages à travers 70 départements français. Et si l’Allemagne l’a supprimée, durant l’ère nazie et non pas dans les années 50, c’est pour permettre à Goering de se réserver la chasse du grand gibier à son seul profit : bel exemple de démocratie !

Tout cela, notre auteur le sait, et n’hésite pas à mentir délibérément pour servir son propos. Sans doute adepte de Francis Bacon, il fait sienne la célèbre sentence : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. »

Mais la vraie motivation de l’avocat/procureur est peut-être à trouver dans sa péroraison finale. On y voit poindre un antispécisme dont l’impasse a déjà été maintes fois démontrées. Rappelons que l’immense majorité de nos contemporains a bien compris que l’avenir de l’Homme ne réside pas dans l’antispécisme.

*Agitprop : département pour l’agitation et la propagande du Parti communiste de l’Union Soviétique, dont la mission était de diffuser les idées du marxisme-léninisme ; la propagande était censée agir sur les esprits individuels quand l’agitation jouait sur les émotions des foules. On sait comment tout cela a fini.

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