La chasse à courre : un mode de chasse respectable et utile

Depuis le début de la saison de chasse, des militants de l’abolition de la chasse à courre continuent à attirer les projecteurs de médias et d’acteurs politiques. Un tel niveau d’attention peut paraître futile alors que notre planète est confrontée à des défis majeurs – économiques, humanitaires, et climatiques.

Mais puisque, derrière la chasse à courre, des questions de société ont été posées, j’apporte mon témoignage. Prenons ce dont la proposition de loi, déposée en janvier 2018 et visant à l’abolir, accuse la chasse à courre.

Une pratique « nobiliaire et oligarchique » ? L’image ne colle pas pour le veneur (chasseur à courre) que je suis, moi dont une jeunesse très à gauche m’a valu les foudres étatiques, plus de trente ans au service d’une organisation internationale connue pour sa lutte contre la corruption et l’évasion fiscale et pour l’environnement, et aujourd’hui m’employant à la juste protection des réfugiés. Dans leur célèbre étude (La chasse à courre, Payot, réédition 2018 Montbel), Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, sociologues politiquement à gauche, écrivent : « La perception de la chasse à courre comme le loisir de quelques rares privilégiés ne devrait pas résister aux informations que nous avons réunies et présentées. » Toutes les classes sociales forment notre équipage. Bien sûr, le lendemain, les uns retournent à leur dur travail et d’autres à des vies plus faciles, mais nos journées en forêt, riches ou pauvres tous ensemble animés par la même passion, par tous les temps derrière nos chiens, n’ont contribué en rien à accentuer les inégalités mais à en diminuer le poids. Il y a belle lurette que l’équitation – ce par quoi beaucoup d’entre nous sont arrivés à la chasse à courre – n’est plus le privilège de nantis ; il suffisait d’observer la floraison de gilets jaunes l’hiver dernier dans les voitures garées dans des poney clubs de province pour s’en convaincre. La lutte pour plus de justice sociale mérite mieux que le moyen illusoire de l’abolition de la chasse à courre.

Une pratique « barbare » ? On aurait tort de prêter nos émotions de citadins aux sentiments du cerf auquel des millions d’années ont donné les gènes et le sang-froid pour cohabiter avec ses prédateurs naturels – les loups, aujourd’hui représentés par nos chiens de meute – et réussir à leur échapper le plus souvent (voir Le Monde, vidéo sur les ruses du cerf, mars 2018). Dans notre équipage, si d’aventure le cerf est mis en échec par nos chiens, la règle veut qu’il soit immédiatement tiré au petit fusil – aucune barbarie. Au cours de l’Histoire, les actes de barbarie sont typiquement le fait des hommes. Notre mode de chasse est pratiqué par les femmes en très grand nombre ; dans mon équipage, le « maître d’équipage » (la personne d’entre nous qui en droit assume la responsabilité de la chasse) est mère de famille. L’image ne colle pas, là non plus.

Une pratique qui n’a « aucune utilité sociale » ? La chasse à courre offre à ses quelque 100 000 suiveurs un moment de détente pour une fois entièrement gratuit dans nos territoires ruraux. Elle maintient des emplois et des savoir-faire qui seraient sinon en voie de disparition (facteur de trompes, graveur, piqueux, confectionneur de tenues…). Notre équipage est, chaque année, sollicité par les maires des villages et les responsables de monuments historiques avoisinants qui nous demandent d’animer des manifestations, toujours très fréquentées par le public, en venant avec nos chiens, chevaux, trompes et redingotes de vènerie. Dans notre équipage, tous, nous sommes membres de l’association locale de protection de la forêt. En donnant au cerf l‘occasion de mettre en œuvre ses défenses naturelles, nous le protégeons du confinement débilitant auquel, sinon, le condamne l’invasion croissante de notre forêt francilienne par le monde urbain ; nous contribuons au maintien de la biodiversité. Défenseur de l’écologie, je suis déçu de voir, lors des élections européennes, des partis s’en réclamant copier-coller avec désinvolture les contre-vérités attrape-tout déversées sur les réseaux anti-vénerie.

La chasse à courre ne nuit en rien à l’intérêt commun ; elle y contribue au contraire en apportant sa pierre au maintien du patrimoine naturel et culturel du pays, sinon de l’Europe et au-delà. Non au procès en sorcellerie ! Abolir la chasse à courre est inutile et injuste.

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