23 août 2021 – Des chasseurs aux agriculteurs, mobilisation inédite pour défendre la ruralitude

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Le 6août dernier, le Conseil d’État, saisi par des associations environnementales, interdisait toute une série de chasses traditionnelles aux quatre coins de la France. Dans les Ardennes, c’est la tenderie aux grives et vanneaux qui est désormais hors-la-loi, les arrêtés ministériels l’encadrant ayant été cassés. Une décision de justice qui a provoqué une colère profonde dans le monde de la chasse, même si elle n’est pratiquée que par une quinzaine d’adeptes sur les 8 500 adhérents selon la fédération de chasse ardennaise.

Quinze jours et de multiples indignations plus tard, la protestation dépasse désormais le cercle des chasseurs et s’étend au niveau national. De l’interdiction du chant du coq qui dérange aux réglementations en cascade, tous s’estiment mis sur le banc des accusés.

Né sur les réseaux sociaux, le collectif «la Ruralité en colère» fédère tous les mécontentements d’un monde rural qui s’estime en péril. Les Ardennais sont en pointe dans ce mouvement national. Il regroupe ici les fédérations de chasse et de pêche, les agriculteurs de la FDSEA08 mais aussi des maires et élus ardennais. Tous appellent à la mobilisation le samedi 4septembre dans tout le département en trois points au nord, au sud et à Charleville-Mézières. Une journée d’action qu’ils espèrent d’une ampleur inédite. L’événement devrait rayonner à l’échelle du Grand Est, puisque certaines fédérations de chasse des départements voisins organisent déjà des bus pour grossir les rangs dans les Ardennes. Barrages filtrants, tractage, stands… les moyens d’action ne sont pas encore définis. «Cet arrêt du Conseil d’État, c’est l’étincelle qui a allumé le feu», explique Loris Savart, membre du collectif qui s’élève contre «l’écologie punitive». «La nature, on la connaît et y vit depuis toujours. Depuis des années, les gens qui vivent dans nos campagnes subissent des attaques injustifiées. Ça va des amateurs de basse-cour qui vont bientôt devoir détenir un certificat de capacité pour élever des poules, le chant du coq qui dérange, les vaches qui sont dans un pré trop près d’un riverain et qui va se plaindre… Vivre en campagne, c’est partager des valeurs et cohabiter avec tout le monde.» S’il défend les chasses traditionnelles, il ne veut surtout pas que cette journée d’action soit assimilée à une manifestation pro-chasse: «Cela va vraiment au-delà, c’est pas pour rien que les agriculteurs sont présents. C’est la défense d’un mode de vie, de traditions, qui ont cours depuis des décennies pour ne pas dire plus et d’un état d’esprit que je résumerais par la ruralitude. On ne vit pas à la campagne comme en ville.» Même discours du côté de Jean-Pol Gambier. Le président de la fédération de chasse vit comme un harcèlement les recours portés en série devant les tribunaux par les associations écologistes. «Dans le collimateur en ce moment, on a la journée de chasse le dimanche, la vénerie sous terre, la vénerie à pied qui concerne deux à trois équipages dans les Ardennes, et la chasse de nuit au gibier d’eau… On ne respire plus.» Des chasseurs aux agriculteurs, tous ont l’impression d’être mis injustement sur le banc des accusés. Une incompréhension totale, un fossé qui se creuse avec l’opinion plus que jamais portée sur le respect de l’environnement et du bien-être animal. Des modes de vie et des aspirations qui s’entrechoquent parfois entre nouveaux et anciens habitants. Chacun défendant sa vision du monde rural.

«La ruralité, on y vit et on en vit, martèle Thierry Huet, secrétaire départemental de la FDSEA qui peste depuis des années contre l’agribashing. Quelques exemples. Cette année encore, on a eu plusieurs personnes qui ont appelé les gendarmes pour tapage nocturne. Les agriculteurs faisaient les moissons! Si j’utilise des produits phytosanitaires, ce n’est pas pour faire de la merde, mais parce que j’ai une raison. C’est raisonné.» Dénonçant «des réglementations venant de gens de Paris qui s’accumulent», il se joindra au mouvement afin de «communiquer» auprès du grand public et faire pression aussi «à quelques mois des élections présidentielles.»

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