« Au fait, c’est quoi la ruralité ? »

Le 12 juin dernier, la FNC avec le soutien de la FNSEA et de la Fédération des pêcheurs d’Ille-et-Vilaine organisait une première manifestation virtuelle qui a réuni près de 400 000 participants, sur le thème « Liberté, Ruralité ».

A cette occasion, une amie éthologue qui apportait son soutien à la mobilisation sans nécessairement se considérer elle-même comme faisant partie de la ruralité, m’a posé cette question simple, et pourtant essentielle : « C’est quoi, au juste, la ruralité ? »

Pour la scientifique qu’elle est comme pour toute discussion sérieuse, définir les termes est un passage obligé si l’on veut faire mieux qu’ouvrir une guerre sémantique stérile et faire avancer les choses sur le fond, ce dont le débat public manque cruellement.

Voici donc la réponse que je lui ai livré. Elle n’est pas fermée, et n’engage que moi, mais gageons que certains parmi vous sauront s’y retrouver, et peut-être proposeront de la compléter.

Dans son acception la plus courante, la ruralité se réfère à tout ce qui concerne la campagne, et ses habitants. Seulement voilà, la campagne n’est pas un état de la nature qui précède l’homme, mais le produit du façonnage de la nature primaire par l’homme sur le temps long. Aucun champ de blé, aucune estive ne précède l’avènement de l’homme sur cette Terre.

Et si c’est le cas aussi pour la ville, la différence est qu’à la ville, on s’isole du sauvage autant que faire se peut, alors qu’à la campagne on le dompte, on l’adapte, on le forge.

Partant de ce principe, le critère tant nécessaire que suffisant pour être profondément rural n’est peut-être pas là où l’on réside – on peut prendre la campagne comme un dortoir et rien de plus – mais plutôt la capacité que l’on a à contribuer à façonner le territoire pour qu’il soit campagne.

Et par un jeu de réciprocité, ceux qui domptent la nature pour en faire la campagne forgent de leur terroir une culture, et leur culture influence leur manière de façonner la nature en campagne.

En conséquence, sous le vocable « ruralité », je mets celles et ceux qui contribuent à façonner, dans la durée, la campagne (peu importe où ils dorment), leurs pratiques liées à ce façonnage et les cultures spécifiques qui en découlent.

Au premier rang de la ruralité donc, je vois les agriculteurs et les éleveurs, les chasseurs, les pêcheurs, les forestiers.

Les métiers connexes essentiels en sont aussi partie prenante : de celui qui fabrique le fromage à celui qui vend le grain ou répare le tracteur…

Certaines pratiques culturelles y ont aussi leur place évidente, qu’on aime ou pas : la corrida est l’émanation d’une culture propre à certains terroirs, en incarne la vie culturelle, et influence le visage de l’élevage dans les régions concernées et donc façonne le territoire. La vènerie coche aussi toutes les cases : elle est une culture, elle façonne nos forêts, elle n’est rien sans l’élevage de nos chiens, les chevaux…

Le médecin de campagne, le commerçant de village, sont d’une importance vitale au maintien d’une population rurale sans laquelle la ruralité n’aurait pas de sens. Mais ces premières pratiques que j’ai citées sont celles qui sont clé de voute dans ce qui permet à la campagne d’être la campagne.

Voilà comment je conçois le concept de ruralité. Une identité, faite d’activités spécifiques et d’un bagage culturel associé, bien plus qu’une classification INSEE de sa commune de résidence. Et c’est cette identité qui mérite d’être défendue contre les attaques répétées qu’elle subit aujourd’hui.

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