Joyeuses Saint Hubert !

Depuis les derniers jours d’octobre et jusqu’à la fin novembre, partout en France, des hommes et des femmes se seront retrouvés par centaines pour célébrer Saint Hubert, le patron des chasseurs. Au total, ce sont sans doute plus de 100 000 personnes qui auront communié dans le souvenir de ce veneur passionné, avec l’intérêt constant des médias locaux, et c’est déjà beaucoup.

Ces rassemblements qui débutent invariablement par une messe sont une curiosité à l’heure où elles sont de moins en moins fréquentées. Et pourtant, la fête de Saint Hubert est le jour de prédilection pour de nombreux amis, riverains, élus, responsables de terrain, qui viennent assister à la messe de Saint Hubert, à la chasse, et, lorsque tout se passe au mieux, à la curée. Ce rassemblement autour d’une journée particulière dit beaucoup de l’attachement de nos contemporains à notre mode de chasse et à ses fastes : trompes, tenues, chiens et aussi chevaux pour certains de nos équipages. On connaît même des gens qui organisent leurs vacances pour assister à la Saint Hubert de tel ou tel équipage. Et il faut être entré en procession dans une église bourrée à craquer d’un public attentif et y avoir écouté résonner les trompes pour être véritablement saisi du bel enthousiasme qui anime l’assistance. L’enthousiasme, un autre mot pour l’inspiration.

Mais derrière la beauté de ces instants, quelles sont les réelles motivations de ce si nombreux public ? Quelle inspiration y trouve-t-il ? Revenons un instant à Saint Hubert, ou plutôt à Hubert (656-727), pas encore saint ni même évêque de Liège. On sait de lui qu’il était un chasseur acharné qui « en poursuivant le gibier à la trace » le « forçait sous l’élan des chevaux ». Il en eut un jour la révélation de sa foi qui le conduisit à « dire au courre un méprisant adieu » et à consacrer sa vie à Dieu, ce qui lui vaudra d’être canonisé.

Tous les veneurs n’aspirent pas à la sainteté et tous n’abandonneront pas les plaisirs du noble déduit pour la mission sacerdotale. Mais, pour autant, cela ne signifie pas que la quête mystique qui anima Hubert de Liège soit étrangère aux veneurs du XXIème siècle. Lorsqu’aux côtés de leurs chiens de meute, ils tentent de déjouer les ruses des animaux qu’ils chassent, c’est à une communion avec un autre monde à laquelle les veneurs sont conviés : le monde sauvage, celui que l’Homme n’a pas domestiqué, et dont il n’a pas percé les mystères. Cette « altérité qui lui résiste » selon les termes de l’anthropologue Charles Stépanoff dans son dernier ouvrage paru aux éditions de La Découverte : L’animal et la mort. Et dès lors la prise prend tout son sens : le moment où le veneur servant ses chiens réussit à pénétrer ces mystères, à entrer pour un court instant en relation/communion avec cette altérité. La victoire est éphémère ; chaque chasse la remet en question. Cela enseigne au veneur la modestie de sa condition face aux mystères de la nature, et le respect des animaux qu’il chasse et de leur pouvoir.

Alors amis, riverains, élus, attachés à nos forêts et à nos campagnes, continuez de prendre part aux Saint Hubert de nos équipages. Votre présence dit votre curiosité, finalement très moderne, pour cette rencontre avec un autre monde, le monde sauvage, que les veneurs n’aspirent surtout pas à domestiquer mais dont ils cherchent inlassablement à percer les mystères.

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