20 juillet 2021 – Napoléon Ier était mauvais tireur mais stratège de la cynégétique

En cette année qui célèbre le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier , le 5 mai 1821, l’occasion nous est offerte de revenir sur son rapport à la chasse. Et en particulier de voir comment il œuvra pour lui rendre ses lettres de noblesse. Dans la gestion de la chasse comme dans celle de ses affaires administratives ou militaires, Napoléon se distingua par de remarquables capacités d’organisateur et un rare sens du discernement. Pourtant, et au contraire de nombreux souverains qui l’avaient précédé, il chassait moins par passion que par obligation d’État. « Il aime la chasse, écrivait Mme de Rémusat, femme de lettres, plutôt pour l’exercice qu’elle lui fait faire que pour ce plaisir en lui-même . » L’Empereur y voyait une activité saine pour le corps et l’esprit – « C’est très savant, la chasse… presque aussi savant que la guerre », répétait-il à l’envi -, exaltant chez les jeunes les vertus guerrières qui sont le ciment d’une grande nation.

Asseoir son rang

Avant même d’être nommé Premier consul, Napoléon souhaita réhabiliter la vénerie. Il voyait dans son faste un bon moyen d’asseoir son rang et de conserver une vraie tradition française que toutes les grandes cours européennes nous enviaient. Puis il s’attela à reconstituer des équipages dignes de ce nom (ils avaient été décimés sous la Terreur), confiant cette responsabilité à un fidèle d’entre les fidèles : Dutillet, dit « Mousquetaire ». En bon Gascon têtu et dur à la tâche, ce dernier monta un équipage impérial en recrutant parmi les servants de l’ancienne vénerie royale piqueux, valets de limiers, valets de chiens à cheval et à pied et porte-arquebuse.

Appelé à la rescousse, Randon d’Hanneucourt fut nommé capitaine des chasses en juillet 1802, tandis que Norbert Antoine de Beauterne, descendant d’Antoine de Beauterne, le porte-arquebuse de Louis XV (et qui aurait prétendument tué la bête du Gévaudan), se vit attribuer la même fonction prestigieuse. Il fut secondé par un aide porte-arquebuse très apprécié de Napoléon : le fameux et inquiétant mamelouk Roustam Raza, qui avait initié l’Empereur au maniement des armes à feu.

(Outre des armes ayant appartenu à Louis XVI, Napoléon utilisait des fusils signés Jean Lepage.)

Une organisation sans faille

Quand il fut sacré Empereur par le pape Pie VII, le 2 décembre 1804, Napoléon Ier avait déjà réorganisé la chasse sur un pied magnifique, digne des plus belles heures de la monarchie. Le 26 mars 1805, il éleva le maréchal Berthier à la distinction de grand veneur. Ce dernier fut chargé de superviser tout ce qui concernait le fonctionnement de la vénerie impériale, des tenues qu’il convenait de porter à l’organisation des laisser-courre, en passant par l’aménagement des territoires ou la nomination des personnels.

Responsable du rapport formulé avant la chasse, il conduisait lui-même l’Empereur à la brisée pour prendre ses ordres, lui tendait la lance pour servir un sanglier forcé ou se chargeait de l’honneur du pied.

Il attachait de l’importance à la sélection de ses meutes

Sur les conseils avisés de ses experts, l’Empereur attachait également une grande importance à la sélection de ses meutes, effectuée à partir des quelques rares lignées qui avaient échappé aux massacres perpétrés durant la Révolution : en particulier les chiens du Haut-Poitou du marquis de Foudras, mais aussi des lignées vendéennes.

Lorsqu’il n’était que Premier consul, Napoléon avait déjà ordonné à son lieutenant général, le comte Alexandre de Girardin, de créer une chasse à tir giboyeuse dans le parc de Rambouillet, qui comportera ensuite une faisanderie installée en 1808. Ce dernier était un chasseur passionné qui seconda le maréchal Berthier durant le premier Empire et qui sera nommé à son tour grand veneur de France après la Restauration. Général de division et comte de l’Empire, blessé à plusieurs reprises, il fut élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur pour récompenser sa bravoure au feu sur le champ de bataille d’Austerlitz.

(L’Empereur chasse au sanglier dans la forêt de Marly par Louis Charles Bombled)

Une maladresse proverbiale

Napoléon souffrait d’une réputation apparemment justifiée de tireur très maladroit, handicap sans doute dû à sa mauvaise acuité visuelle. Il se servait pourtant d’armes superbes, dont une collection de petits fusils ayant appartenu au roi Louis XVI, mais aussi de fusils plus modernes fabriqués par ses meilleurs artisans, tels que Jean Lepage. Mais rien n’y faisait : il épaulait vite et mal, arrosait tout le monde, ce qui n’était pas sans danger pour son entourage. Et il finit par blesser gravement le maréchal Masséna lors d’une partie de chasse aux perdreaux.

(Charles-Horace Vernet, dit Carle (d’après), Chasse de l’empereur Napoléon Ier au bois de Boulogne, 1812, huile sur toile, Senlis, musée de la vénerie, dépôt du musée national de la Malmaison.)

Blessé par Napoléon, Masséna restera borgne

L’écrivain et feuilletoniste Émile Marco de Saint-Hilaire (1796-1877) nous rapporte les faits : « Les maréchaux Masséna et Berthier marchent en avant, et, non loin de Napoléon, une compagnie de perdreaux part. L’honneur du premier coup appartenant à l’Empereur, il tire, et Masséna reçoit dans l’œil un plomb écarté. Tandis qu’on s’empresse de lui porter secours, Napoléon s’écrie : “Berthier, c’est vous qui venez de blesser Masséna ! ” Le grand veneur s’en défend. L’Empereur insiste, Berthier se tait, et chacun rentre de fort méchante humeur . »

Masséna restera borgne malgré les soins prodigués par le chirurgien personnel de l’Empereur. En compensation, il obtint le commandement de l’armée du Portugal et, l’année suivante, un titre princier.

Elzéar Blaze conte aussi cette mésaventure survenue le jour où un cerf forcé par l’équipage impérial périt avant l’arrivée de l’Empereur. Un piqueux eut alors la géniale idée de redresser la tête du cadavre avec deux branches fourchues, pour lui donner l’apparence de la vie. Lorsque Napoléon enfin parvenu sur les lieux fit feu pour « achever » l’animal, il étendit raide mort le meilleur chien de la meute . « Sire , proclama-t-on, le cerf est mort . » « À qui le dites-vous ! » répondit l’Empereur, avant de remonter à cheval sans plus de manières. L’histoire ne doit cependant pas nous faire oublier l’essentiel : que nous devons à Napoléon un renouveau de la chasse en France après les exactions de la Terreur, dont celui de la vénerie et de la louveterie.

Une redevance peu appréciée

Côté législatif, l’Empereur ne se hasarda pas à abroger la loi de 1790 qui libéralisait l’exercice du droit de chasse, craignant de froisser les susceptibilités d’un monde rural qui attachait une grande importance à cet acquis révolutionnaire, synonyme d’une dignité nouvelle.

Parmi les nombreuses innovations impériales, notons cette mesure de police relative à la sécurité publique, qui obligeait tous les chasseurs à détenir un permis de port d’arme , par décret du 11 juillet 1810. La décision fut diversement appréciée en raison du montant prohibitif de la redevance, considérée, de plus, comme discriminatoire. L’acquisition du précieux sésame était assujettie à l’obtention d’un certificat de bonne moralité, délivré par le préfet sur recommandation du maire. Et quand on se trouvait entre gens de bonne compagnie, une respectabilité pouvait s’acheter… à un prix fixé selon l’appétit de l’élu !

La tenue de la vénerie impériale

Nul ne peut chasser avec Napoléon Ier s’il ne revêt la tenue réglementaire que l’Empereur a lui-même codifiée et que Charles-Jean Hallo décrit précisément dans son ouvrage Le fond de l’habit de vénerie est vert pour tous. Les maîtres portent sur le devant huit galons de vénerie argent et or positionnés à la bourgogne. Le grand col rouge est entouré d’un galon de vénerie, les parements sont rouges avec galons en pointe. Les culottes sont vertes, les bottes à l’écuyère, le couvre-chef est un bicorne noir sans galon, le ceinturon de vénerie est blanc et or. Les piqueux conservent le catogan poudré. Notez que l’Empereur se distingue par sa culotte blanche et le tapis de selle de son cheval, qui est rouge violacé.

 

https://sf2.lechasseurfrancais.com/wp-content/uploads/2021/07/napoleon-chasseur-750x410.jpg
https://sf.lechasseurfrancais.com/wp-content/uploads/2021/07/fusil-napoleon.jpg
https://sf.lechasseurfrancais.com/wp-content/uploads/2021/07/napoleon-foret-marly.jpg
https://sf.lechasseurfrancais.com/wp-content/uploads/2021/07/scene-chasse-courre-napoleon-1er-foret.jpg
https://sf.lechasseurfrancais.com/wp-content/uploads/2021/07/napoleon-chasse2.jpg
Contactez-nous

Commencez à taper et appuyez sur Entrée pour lancer la rechercher

Abonnez-vous