Courir et laisser courre

Sous la pluie, dans la chaleur ou le froid, par monts et par vaux, dans la forêt ou dans les prés, à pied ou à cheval, depuis toujours, le veneur court.

Saint Hubert, son patron qui vécut 800 ans avant que ne soient édictées les règles de la vènerie moderne, courait déjà. Et c’est même à l’issue de l’une de ses courses effrénées qu’il eut soudain la vision de « la croix du Christ que le grand cerf dans l’ombre couronnait par l’auréole des bois » (selon les paroles de la Saint Hubert). Ses longues chasses l’auront donc finalement conduit jusqu’à la Révélation, suivant ses chiens qui chassaient cette voie si mystérieuse jusqu’à trouver … Dieu ! une histoire de Saint, vous dis-je.

Si les veneurs semblent avoir renoncé pour beaucoup à cette dimension spirituelle du noble déduit, ils courent cependant toujours. Mieux, tous les hommes courent. Dès l’enfance dans la cour de récréation où ils jouent au gendarme et au voleur ; plus tard derrière un ballon ou sur un vélo. On court après les bonnes affaires dans les centres commerciaux, une promotion en entreprise, les honneurs dans la société et le bonheur dans la vie ; « le bonheur est dans le pré ; cours-y vite, cours-y vite ! » écrivait Paul Fort.

Le veneur, quant à lui, court et fait courir ses chiens. Le chien courant, chien d’ordre, constitue le trait d’union entre le monde que l’Homme a domestiqué et la vie sauvage ; il doit ce statut à ses origines, lointain descendant du loup dont il possède les capacités olfactives extraordinaires et une endurance très importante ; il le doit aussi à ses qualités d’ordre, forgées dans la meute.

Avec ses chiens, le veneur court après la vie sauvage ; tel Alice au Pays des Merveilles, il passe de l’autre côté du miroir pour tenter d’approcher les mystères de ce monde parallèle. Poursuivant les animaux sauvages, déjouant leurs ruses, le veneur approche au plus près leur intelligence naturelle, qui leur confère une connaissance innée des territoires comme des conditions de leur survie ; pourquoi l’animal de meute se harde-t-il ? que sait-il des atouts du hourvari ? comment découvre-t-il que l’eau « noie » sa voie ? autant de mystères de la vie sauvage !

L’Homme est un prédateur ; le veneur, comme tout chasseur, assume ce statut. Avec ses chiens, le veneur pratique une prédation naturelle, celle que les loups, les ours, les lions, les tigres et aussi les chats exercent sur leurs proies ; son arme unique, c’est l’odorat de ses chiens. Le veneur leur apporte son concours prudent, car, ainsi que le déclarait un grand piqueux, Hubert Colladant, « tous les chiens sont bons ; je n’en dirais pas autant de ces messieurs ».

Cette prédation naturelle fait la fierté du veneur, car ce statut particulier lui entrouvre les portes d’un mystère inaccessible à beaucoup de nos contemporains : celui des secrets de la vie sauvage.

Veneurs, courez et laissez courre !

Contactez-nous

Commencez à taper et appuyez sur Entrée pour lancer la rechercher

Abonnez-vous